Climat et biodiversité, même urgence !

Le rapport choc des experts de l’IPBES

alarme reveil accroché à une brancheLe dernier rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) concernant les impacts du réchauffement climatique et les actions à engager de toute urgence a été largement relayé dans les médias lors de sa parution fin 2018. Les experts ont voulu montrer que les engagements pris par les états lors de la COP21 (qui visent à limiter le réchauffement mondial en-dessous des 2°C) n’étaient pas suffisants et mèneraient le monde à un réchauffement de plus de 3°C d’ici la fin du siècle, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur tous les êtres vivants (1).

Plus récemment, un nouveau rapport a été publié, concernant cette fois-ci plus particulièrement la biodiversité. Face au « dangereux déclin de la nature […] la réponse mondiale actuelle est insuffisante » : voilà une des conclusions majeures du rapport scientifique de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), approuvé par des scientifiques et des diplomates de plus de 130 pays qui se sont réunis début mai 2019 (2).

L’objectif du sommet, auquel ont participé tous ces experts pendant une semaine, était de comprendre le déclin des écosystèmes et de proposer des pistes d’action en prévision du prochain sommet qui aura lieu en 2020 en Chine. L’objectif était aussi de médiatiser l’effondrement de la biodiversité, qui est moins connue aujourd’hui du grand public que les changements climatiques.

 

Qu’est-ce que l’IPBES ?

l’IPBES est un organisme intergouvernemental indépendant qui rassemble depuis 2012 plus de 130 États membres. Son objectif est de publier des évaluations scientifiques objectives quant à l’état des connaissances sur la biodiversité de la planète, les écosystèmes et les contributions qu’ils apportent aux populations. Cet organisme est aussi chargé d’imaginer des outils et méthodes pour protéger et utiliser durablement les atouts naturels vitaux.

La sixième extinction de masse du vivant

feuille secheDans leurs conclusions, les experts annoncent que, sur les 8 millions d’espèces animales et végétales sur terre, environ 1 million sont aujourd’hui menacées d’extinction. Jamais dans toute l’histoire de l’humanité, un tel effondrement du vivant ne s’était produit.

L’humanité est à l’origine et subit la sixième extinction de masse du vivant. Les trois quarts de l’environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine.

Quelques données qui montrent la gravité de la situation :

  • L’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % en moyenne depuis le début du XXème siècle

  • 75% des insectes volants ont disparu en Allemagne sur les 30 dernières années (les pesticides utilisés dans l’agriculture intensive seraient responsables de cette situation) (3); pour rejoindre le mouvement contre l’utilisation des pesticides, n’hésitez pas signer l’appel : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/

  • En 40 ans, plus de 400 millions d’oiseaux européens ont disparu

  • Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont menacés (4)

  • Le nombre de vertébrés a diminué de 60% depuis 1970

sol aride désert« La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier », alerte le rapport de l’IPBES. Le président de l’IPBES, Sir Robert Watson, a déclaré : « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».

Les causes du déclin de la biodiversité sont bien connues : déforestation, industries extractives, destruction des habitats, industrialisation de l’agriculture, utilisation massive de pesticides, dégradation des sols, surpêche, surpopulation humaine, changement climatique, déchets plastiques, étalement urbain, espèces envahissantes apportées par nos échanges (+70 % depuis 1970), agrocarburants, surconsommation et soutien à tout prix de la croissance économique.

Le rapport note, en outre, que ces tendances ont été moins graves ou évitées dans les zones qui appartiennent à ou sont gérées par des peuples autochtones et des communautés locales. C’est la première fois que l’IPBES fait mention des liens particuliers qu’entretiennent certaines communautés avec la nature.

Quelles conséquences ? Pourquoi est-ce si grave ?

Il est évidemment très triste de constater la disparition d’espèces animales ou végétales que nous connaissons et voyons évoluer depuis notre jeunesse, en pensant que nos enfants ne pourront continuer de les admirer que dans des livres. Mais l’effondrement de la biodiversité a aussi des conséquences dramatiques sur l’avenir du vivant dans sa globalité.

abeilleSans insectes, pas de pollinisation, ce qui met en danger la sécurité alimentaire sur terre. L’humanité devient plus vulnérable face aux catastrophes naturelles qui se multiplient, notamment à cause de la disparition des mangroves et des récifs de corail qui constituent des protections naturelles contre les inondations et les tempêtes. Une biodiversité riche permet une alimentation équilibrée et variée (de nombreux fruits et légumes différents dans nos assiettes), ce qui préserve la santé des populations et la diversité de la faune et de la flore réduit la propagation de nombreux agents pathogènes …. La nature rend de nombreux services à l’humanité et la destruction des écosystèmes porte donc une atteinte très grave à son avenir sur la planète. (5)

Face à ce constat, il est urgent d’agir à tous les niveaux.

Tous les acteurs doivent participer au changement de société qui devrait permettre de lutter contre cette érosion du vivant : les États, les entreprises et les investisseurs, les collectivités locales et les citoyens. Sir Robert Watson nous dit « qu’il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial ». Les experts ont conclu que seuls des « changements transformateurs » pourraient permettre de freiner l’érosion des écosystèmes. Ces changements transformateurs souhaités correspondent à « un changement fondamental à l’échelle d’un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux, y compris en termes de paradigmes, objectifs et valeurs ».

Nous devons donc repenser le socle même du développement de nos sociétés : les intérêts particuliers doivent être dépassés pour l’intérêt général, les systèmes économiques et financiers mondiaux doivent désormais évoluer pour soutenir des politiques futures plus durables. Par ailleurs, les enseignements des peuples autochtones et des communautés locales doivent être intégrés à la réflexion. Les freins les plus puissants à un tel changement sont les intérêts de ceux qui ne veulent pas que le monde change, sous peine de porter atteinte à la croissance et au développement économique. Deux échéances se confrontent : celle des gains économiques à court terme et celle de l’avenir du vivant à moyen terme.

Il va sans dire que l’ampleur du changement est à la hauteur des enjeux et que chacun d’entre nous doit œuvrer pour inciter les instances décisionnaires dans son pays à mettre en place les actions qui s’imposent face à cette urgence.

 

Sources, pour en savoir plus !

(1) https://www.consoglobe.com/rapport-ipbes-05-2019-cg

(2) http://www.animaux-online.com/article,lecture,1280_les-especes-menacees-en-3-chiffres-cles.html

(3) https://reseauactionclimat.org/rapport-giec-2018/

(4) https://www.notre-planete.info/actualites/2693-rapport-IPBES-biodiversite

(5) https://www.greenfacts.org/fr/biodiversite/l-2/2-bienfaits-biodiversite.htm

https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/04/11/le-vietnam-interdit-le-glyphosate-au-grand-dam-des-etats-unis_5448992_3244.html